Nous avons observé plus haut, que, selon Hippocrate, les lentilles causoient des chaleurs dans l’estomac, & troubloient les humeurs : il ne faut pas oublier ici de rapporter une explication singuliere que l’Anonyme veut donner de ce sentiment d’Hippocrate. Hippocrate, nous dit-on, accuse dans un endroit, les lentilles d’échauffer, & de porter le trouble dans les fonctions ; & dans un autre, il le met au nombre des choses froides, comme sont les courges. Dans un endroit il accuse les lentilles d’échauffer, & de porter le trouble dans les fonctions : dans un autre il met les lentilles au rang des choses froides, comme sont les courges ; tantôt il les range avec les astringens, comme le millet, tantôt il en recommande la décoction, aprés les purgatifs. La graine de MILLET, ainsi appellée, parce qu’on la trouve comme par milliers, sur la plante qui la porte, est une semence ovale, ou presque ronde, jaune, dure, luisante, & la plus petite de toutes les graines qui se mangent. Mais sans remonter jusqu’au tems des Romains, elles sont encore aujourd’hui la nourriture des Ouvriers qui travaillent le plus. Ce grain, dont on fait une espece de boüillie, assez usitée en quelques endroits pendant le Carême, est une nourriture peu convenable à ceux qui jeûnent ; sa qualité propre étant de dessécher le corps, sans fournir presque aucun suc capable de le soûtenir.
Il ne faut, pour le comprendre, que se souvenir de ce que nous venons de remarquer, touchant les sels de ce legume, qui sont capables de picoter doucement les glandes intestinales : car, cela supposé, il est facile de juger que ces sels, qui se trouvent trop embarrassez dans la substance grossiere & terrestre des pois, venant produits à la truffe de haute qualité s’unir ensemble, par le moïen de l’eau qui les a détachez de la matiere où ils étoient enveloppez, doivent avoir une action plus libre, pour faire sur les intestins les picotemens nécessaires, & détacher en même tems par ce moïen, des glandes intestinales, une certaine serosité, dont le propre est d’ouvrir & de relâcher. On donna la quatriéme dans le tems marqué, & cette derniere prise fut suivie d’une évacuation abondante, qui emporta, selon toutes les apparences, la cause du mal, puisque la colique ne revint plus. Il y a de l’orge blanc, truffes de Bourgogne l’orge rouge, & de plusieurs autres sortes, selon les lieux. Aussi le millet est-il le plus sec de tous les grains, quoi-qu’il croisse dans des lieux sombres & humides. Il voudroit bien neanmoins, qu’on préferât le millet à la viande.
Nous ne sçavons quels sont ces alimens de charnage dont il prétend parler ; mais il faut que de la viande soit bien mauvaise, si elle ne vaut pas du millet. Ces grains, nommez en Latin Phaseoli ; en François, Feveroles, Haricots ; & en quelques Provinces, comme dans le Lionnois, Faseoles ou Fasoles, sont un aliment trés-commun en Carême ; mais dont il est bon de ne manger que fort peu ; car il produit beaucoup de vents, charge l’estomac, & fait un sang épais & grossier, qui étant porté à la tête, l’appesantit considerablement. Les Haricots sont des grains un peu longs & épais, la plûpart blancs ; les autres noirs ; les autres rouges ; les autres marquetez, lesquels ont la figure d’un petit rein, & viennent dans des gousses portées par une plante gresle, qui s’étend fort au large, dont les feüilles qui naissent trois sur une queuë, sont de la grandeur & de la forme de celles du lierre ; mais plus molles, plus veineuses, moins lisses, & d’un vert moins foncé.
Garniture de Haricots Panachés. Les Pois sont des legumes ronds, d’une mediocre grosseur, lesquels viennent dans de longues & grosses gousses, sur des tiges minces, creuses & fragiles ; garnies, comme l’on sçait, de feüilles longuettes, dont les unes sont disposées en collet autour de leur tige, les autres naissent comme par paires sur des côtes terminées par des mains ou tenons. Il y a des pois de plusieurs especes ; ils se réduisent à trois principales ; les premiers sont verds au commencement, & deviennent blancs ou jaunâtres en séchant ; ils succedent à des fleurs blanches marquées d’une tache purpurine, & sont renfermez dans de grandes gousses ; les seconds ont une belle couleur variée, blanche & rouge ; les fleurs qui les précedent sont de couleur purpurine au milieu, & incarnate tout autour ; ils naissent aussi dans de grandes gousses, & ces gousses ont cet avantage sur les autres, qu’elles sont bonnes à manger ; les troisiémes sont blancs & petits, & renfermez dans des gousses plus petites ; la fleur, à laquelle ils succedent, est blanche. Quand donc ce grand homme dit dans un endroit, que les lentilles causent des chaleurs, & dans un autre, qu’elles sont du nombre des choses froides, il ne dit rien qui renferme la moindre contradiction.